Chapitre par chapitre,  Fiction,  Mes articles

Quelques soupçons 4/44 min de lecture

Je les avais mis dans un sacré pétrin, je le savais. Mais ma conscience m’avait joué un tour. Je croyais l’avoir enfuie au plus profond de moi-même. Toute cette histoire avait fait remonter des souvenirs d’enfance que j’avais bien réprimés. Le visage de ma mère n’arrêtait pas de me revenir en flash depuis la mort de cette femme. Les cauchemars se faisaient de plus en plus nombreux. Georges était bien le seul qui pouvait m’aider. Les autres m’auraient pris pour une hystérique ou auraient refusé de prendre l’affaire. Personne n’était assez droit et fou à la fois pour m’aider. Je m’en veux. Je sais que Nour et Malia ne m’aiment pas et aucune des deux ne le croira, mais c’est vrai. J’aurais préféré fermer les yeux et n’embêter personne. Il avait déteint sur moi plus qu’il ne le croyait. 

Alors que nous attendions avec angoisse que l’on nous appelle pour embarquer, je me demandais comment nous avions pu sortir vivant du cabinet des détectives. Cela me paraissait impensable. Je m’étais préparée à affronter la mort. Heureusement, ils avaient pensé à tout, ou presque. Toutes ces pensées tourbillonnaient dans ma tête quand Malia arriva. Elle avait réussi à s’en sortir. Je lâchai un sourire de soulagement. Elle ne dit rien, elle me lança juste un regard étonné, comme pour exprimer son incrédulité. Elle aurait tout aussi bien pu me rétorquer un “comme si t’en avais quelque chose à foutre”. Georges la prit dans ses bras. Lui qui n’était pas expansif, ça montrait à quel point il avait eu peur. Elle l’enlaça avec surprise en me jetant un autre regard.

Dans l’avion, la tension ne retomba que quand nous étions dans les airs. Nos langues commencèrent à se délier : qu’allions-nous faire en arrivant ? Quel était le plan ? Juste se planquer ou tenter d’aller au bout ? Aucun de nous n’était réellement décidé. Cette affaire nous avait drainé toute notre énergie. “Je propose que nous rediscutions de tout cela après une bonne nuit de sommeil”, dis-je, peu convaincue par la probabilité que cela puisse arriver, du moins pour moi. “Bonne idée”, marmonna Georges. “Arrêtez de dire des conneries, personne ne va bien dormir”, lança Malia. “Mais attendons d’être posés pour en reparler”, ajouta-t-elle. Malgré tout, nous avions a minima besoin de reposer nos corps épuisés de cette course effrénée. 

Quand nous sommes arrivés à l’hôtel, sur cette île paumée au milieu de l’océan, cela faisait plus de 24 heures que l’altercation avait eu lieu. Mes modiques soins prodigués à la cuisse de Georges ne suffisait pas, il lui fallait un médecin. Il en demanda un à l’accueil et il vint s’occuper de lui dans sa chambre sans poser de question. J’avais pris assez d’argent pour pouvoir tous nous héberger quelque temps sur cette île. J’avais prévu ce genre de situations depuis mon premier client du cabinet. 

Le lendemain matin, au petit déjeuner, nous nous regardâmes. “C’était idiot de ma part de penser qu’on pouvait faire quoique ce soit”, dis-je, l’air sincèrement désolée. “Non, tu as eu raison, rétorque Georges. Maintenant, j’ai retourné l’affaire dans tous les sens, on ne peut pas faire grand chose de plus…”. “Si, le contredit Malia. On peut mettre des journalistes sur le coup. Il n’y aura pas de procès, il n’y aura pas de conséquence réelle, mais un scandale permettra a minima de mettre JR de côté de la vie politique pour quelques années”. Je tournai le regard vers Georges, interrogative. “Je déteste m’avouer vaincu, mais c’est la seule chose qu’on peut faire aujourd’hui. Ca signifie cependant qu’on est coincé sur cette île ou ailleurs, mais qu’on ne peut plus refoutre les pieds là-bas, vous en avez conscience ?”

Malia appela une connaissance dans un journal indépendant. Elle alla récupérer le dossier dans le garde-meubles, et à partir de là, ce fut hors de nos mains. Le scandale prévu éclata. Une enquête orchestrée et avortée eut lieu. Rien de bien méchant pour JR… Le sentiment de défaite rongeait Georges, et il mit plusieurs mois à s’en remettre. Malia fut plus réaliste et se contenta de cette petite victoire. Elle se refit une vie sans trop de peine sur cette île. Quant à moi, je ne sais toujours pas où je vais… Ma conscience m’a rattrapée et les images de ma mère et de son soi-disant accident me suivent toujours. Je pense que j’ai ma propre enquête à mener. Quand l’affaire se sera tassée, danger ou non, il faudra que j’y retourne… 

facebook
Twitter
Follow

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.