Faire taire le silence6 min de lecture
Sarah a vécu plusieurs fausses couches, une grossesse compliquée et un début de maternité chaotique. Ces expériences lui ont ouvert les yeux sur toutes ces choses que l’on tait et dont on devrait parler plus ouvertement aux femmes qui souhaitent avoir des enfants.
Tu as voulu témoigner, pourquoi ?
Il y a plein de choses dont on ne parle pas aux femmes avant qu’elles aient des enfants. Les fausses couches, par exemple. Je ne pensais pas que ça pouvait arriver à n’importe qui. Pour moi, c’était comme dans les films : ça se produisait quand on tombait dans les escaliers, qu’on était imprudente, mais c’est tout. Le post partum aussi, on n’en parle pas assez : on ne nous dit pas qu’un bébé secoué est en réalité quelque chose de compréhensible, avec la fatigue et l’impuissance. Il y a une réelle détresse derrière un tel geste, qui peut se produire même avec un partenaire hyper présent. On ne parle pas non plus des difficultés autour de la grossesse.
Personne ne t’a prévenue des risques liés aux fausses couches ?
Non, je n’étais au courant de rien. Personne ne m’avait parlé des fausses couches ou des choses à faire avant d’essayer de tomber enceinte. J’avais arrêté la pilule et j’étais prête à me lancer. C’est le médecin qui m’a expliqué qu’il fallait faire des analyses de sang et autres avant d’essayer d’avoir un bébé.
Que penses-tu qu’il faille faire alors ?
On devrait informer de ce genre de choses dès l’école, ça devrait faire partie de l’éducation obligatoire. En tous les cas, quand une femme tombe enceinte, c’est important de la prévenir. En ce qui me concerne, la première fois que je suis tombée enceinte, je l’ai annoncé en grande pompe à mon conjoint, avec vidéo, cadeaux et compagnie. Puis j’ai eu une fausse couche au bout d’un mois. Je suis retombée enceinte dix jours plus tard, et j’ai fait une nouvelle fausse couche, deux mois et demi après. On m’a recommandé d’attendre un mois avant de réessayer. Je suis de nouveau tombée enceinte et celui-là je l’ai gardé. Il me paraît important de prévenir que, même à trente ans et sans problème de santé particulier, même en faisant très attention, on peut perdre un bébé. Ca a été mon cas : j’ai perdu deux bébés. Il faut être préparé au fait que la “victoire”, c’est l’accouchement, pas le test de grossesse.
Tu as parlé également des difficultés pendant la grossesse, quelles ont été les tiennes ?
Une grossesse, ça peut être long et difficile. Je pleurais tous les jours. On ne peut pas faire ce qu’on veut, tout le monde nous dit quoi faire. J’ai eu des vomissements pendant les neuf mois, jusqu’à l’accouchement, qui a été au final le plus beau moment pour moi. Certes douloureux, mais rapide.
Et la maternité ?
Ca a été très difficile. Lou pleurait beaucoup, probablement à cause de son intolérance aux protéines de lait de vache. Je l’ai secouée parfois si fort que j’avais peur de lui faire du mal. Avec mon conjoint, à certains moments, nous nous sommes dits que nous avions fait la plus grande erreur de notre vie. Quand le bébé est tout petit, il n’y a pas forcément de “retour”. Ce n’est pas facile d’arriver à aimer cette période où l’enfant ne fait que hurler. L’amour n’est pas forcément instantané. Pour moi, ça a mis plusieurs mois, jusqu’à ses premiers sourires et rires. Au début, c’était simplement une responsabilité. On n’est vraiment pas assez informé autour de tout ça.
Qu’est-ce qui t’a fait tenir les premiers mois de maternité ?
J’ai tenu parce que je n’avais pas le choix, parce que je me suis battue pour avoir cet enfant et qu’il fallait assumer, parce que j’avais un mari assez présent aussi, qui m’a apporté une vraie aide. Le fait que tout le monde dise aussi qu’après ça s’arrange, qu’il faut attendre que les premiers temps passent, ça nous a aidé. Les gens me disaient aussi “ça passe trop vite, il faut en profiter”, mais moi je voulais que ça passe vite ! La période du tout petit nourrisson, c’est épuisant. On profite maintenant qu’elle a un an. Mais la première année est vraiment difficile.
Est-ce que tu penses avoir d’autres enfants du coup ?
Oui, on sait qu’on en veut d’autres. J’ai hâte d’être de nouveau enceinte. En revanche, si je pouvais passer la phase nourrisson qui hurle et zapper les six premiers mois, je le ferai. Mais pour un deuxième, tu sais que tu sais faire, c’est rassurant.
Pour conclure, quel est le message que tu souhaites passer avec ton témoignage ?
Il faudrait que les gens soient mieux informés. Par exemple, quelqu’un peut faire une blague par rapport à la maternité alors que la femme en face galère pour avoir un enfant. Il faudrait plus d’informations sur la probabilité des fausses couches, rien que par les gynécologues. Il faudrait expliquer que la grossesse, ça peut être neuf mois de fatigue intense. L’arrêt devrait d’ailleurs être plus tôt, les femmes devraient être chouchoutées. La grossesse est vue comme quelque chose de naturel alors que c’est un gros effort. Il faudrait enfin informer sur l’après : les femmes (et les hommes) devraient connaître les difficultés liés au post partum. Les gens n’en parlent pas alors qu’on peut être dans un état second d’épuisement voire de rage. On est censé être heureux mais c’est important d’être prévenus que, oui, c’est temporaire, mais il faut passer par des moments difficiles et ne pas culpabiliser d’être mal. Je le dis à toutes les futures et nouvelles mamans : c’est normal de ressentir ce que vous ressentez, et ça ne va pas durer. D’ailleurs, pour celles qui ont des jumeaux, il faudrait avoir une aide importante et gratuite. Ce qu’on a avec le Club Poussette*, tout le monde devrait l’avoir. Il vaut mieux s’attendre au pire et avoir une grossesse et maternité faciles. Il faut aussi se souvenir que rien n’est acquis !
* Groupe de soutien aux mamans en post partum.