Paroles de mamans

Porter son histoire6 min de lecture

Anna a vécu une grossesse sans complication. L’approche de l’accouchement fut en revanche source d’angoisse. De par les expériences autour d’elle, elle appréhendait le déroulement de la naissance.

Comment s’est passée ta grossesse ?

Elle n’a pas été difficile, c’était un bébé voulu, il n’y avait pas de problème. En revanche, à l’approche du terme, les contractions ne venant pas, je redoutais un déclenchement ou une césarienne.

Pourquoi redoutais-tu cela ?

Je suis née par césarienne en urgence, car je me suis retournée dans le ventre au dernier moment. Je suis la seule pour laquelle ma mère a eu des contractions spontanées sur ses six enfants, les autres accouchements ont été déclenchés. J’ai eu très peur de vivre la même chose. Parmi mes sœurs, certaines ont également été déclenchées. Je me suis beaucoup renseignée autour de l’accouchement, physiologique notamment. D’un côté, je compensais mon angoisse en faisant des recherches mais, d’un autre, je me suis peut-être trop renseignée, ce qui est devenu en soi anxiogène. 

Comment se sont donc passés les derniers jours avant l’accouchement ?

J’ai accouché à J+7. Le plan, c’était un accouchement hyper physiologique sans péridurale. Et là, je me suis dit, je vais être déclenchée, je ne le voulais pas ; je l’avais occulté. 

Au-delà de ton histoire, pourquoi cette peur d’un accouchement déclenché ou en césarienne ?

J’avais peur de la séparation avec le bébé et de la rupture utérine. Ma mère et moi avons été séparées deux jours. Ca m’a beaucoup impactée dans la difficulté de séparation avec ma fille, on est très fusionnelles. J’ai longtemps dormi avec ma fille. Pendant ma grossesse, je ne connaissais pas cette partie de mon histoire, je l’ai su après. Aujourd’hui, on peut faire différemment, je sais qu’on n’est pas séparé autant avec une césarienne. D’ailleurs, j’ai été séparée une heure de ma fille à la naissance, car ils l’ont amenée en réanimation. 

Comment s’est passé ton accouchement finalement ?

Les derniers jours de la grossesse, j’attendais le déclenchement, qui est arrivé. Ils m’ont installé un ballonnet, qui a fonctionné deux heures après, et j’ai eu douze heures de contractions costaudes sans péridurale. J’ai tout donné car je culpabilisais de ne pas avoir eu de contractions “naturellement”. Ils ont accéléré le déclenchement car le col ne s’ouvrait pas : on m’a percé la poche des eaux, ce qui m’a valu de grosses douleurs. 

T’ont-ils proposé la péridurale ?

Non, mais j’ai été très claire dès le début sur le fait que je n’en voulais pas. J’ai même été convoquée à la maternité, les Bluets, car ils trouvaient mon projet trop extrême et m’ont expliqué que certaines choses n’étaient pas “négociables”. Je ne me suis pas sentie accueillie du coup, et j’y suis allée avec défiance. J’ai fait le moins possible à la maternité. J’y ai eu mon premier rendez-vous car j’avais des contractions dues à l’effort. Quand la gynécologue m’a auscultée, je regardais ailleurs et elle m’a demandé un peu brutalement de la regarder, ça m’a choquée. Je ne voulais plus être avec elle. Entre cela et la convocation, ça a créé un rapport de forces. 

Que considéraient-ils non négociable ?

La pose d’un cathéter à l’avance. J’ai peur des aiguilles, je voulais éviter au maximum d’en avoir un. Quand je l’ai dit à l’anesthésiste, il en a parlé avec les équipes, c’est là où j’ai été convoquée. Ca a créé de la défiance. 

Revenons à l’accouchement : comment ca s’est passé ensuite ?

Après le percement de la poche des eaux, ils m’ont injecté de l’ocytocine. J’ai fini par demander la péridurale car la douleur m’a traumatisée. La petite a été en réanimation car la poussée a été éprouvante et longue pour elle aussi. A midi, je perdais les eaux et à 23h, j’accouchais, après quarante minutes de poussée – ça n’a pas été traumatisant pour le coup, mais intense. Je ne voulais pas voir de médecin donc j’ai tout fait pour l’éviter : je voulais uniquement des sages-femmes et j’ai eu une bonne équipe. J’ai eu une péridurale bien dosée, ce qui m’a permis de bien gérer mes contractions aussi. 

Quel est ton ressenti maintenant que tu as eu cette expérience ?

J’ai toujours peur d’un déclenchement mais je me prépare mieux. J’ai lu beaucoup de choses sur les naissances naturelles, j’aimerais bien que ça m’arrive. J’aimerais une naissance moins médicalisée. Mais je me suis rendue compte qu’on ne contrôle pas tout ça. Comment on faisait avant ? L’accouchement “naturel” arrive finalement à peu de monde. Enceinte, je ne m’en rendais pas compte, je refusais l’idée. Je ne voulais pas vivre autre chose et je ne me suis pas préparée à autre chose. Je me suis dit qu’il fallait y croire sinon ça ne marcherait pas. J’étais un peu dépassée. Quand une maman se documente beaucoup, je ressens l’angoisse. Pour une deuxième grossesse, je serai plus sereine. Je ne lirai rien (rires). Je verrai comme ça vient et, pour le coup, je demanderai une péridurale. J’étais bornée, fixée sur mon idée. J’avais un package d’attentes. Mais je n’ai rencontré personne qui a su déceler mon angoisse. Avec le recul, malgré l’impression d’une grossesse plutôt sereine, je me rends compte que ça n’a pas été le cas. Je n’ai pas mesuré l’impact de mon histoire sur celle-ci et la peur de reproduire le même accouchement que ma mère.

Tu ressens encore le poids de cette histoire aujourd’hui ?

J’ai une impression de fusion avec ma fille, que je ne contrôle pas, mais ce n’est pas quelque chose qui me travaille démesurément. Je veux que notre histoire soit différente de mon passé et que celui-ci n’ait pas trop d’impact. J’essaie d’être transparente avec elle. Elle ressent probablement les choses, donc je veux lui en parler. Je travaille sur ce côté fusionnel ; c’est plus dur pour moi que pour elle. Ca va me prendre du temps. Je fais attention de ne pas entraver ses envies, notamment d’aller vers les autres, de ne pas entraver sa confiance, de lui laisser son espace pour dormir, d’être respectueuse. Je mets les choses en place petit à petit, c’est un pas à franchir. Plus elle grandit, plus c’est facile. Pour l’allaitement, c’est elle qui verra quand elle veut arrêter, je le lui dis régulièrement. J’avais du mal ne serait-ce qu’à la poser, à ne pas l’avoir dans les bras, même à un mètre de moi ; j’ai compris pourquoi avec mon histoire.

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