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Le bois5 min de lecture

Je déteste les mauvaises surprises. En même temps, qui les aime ? Je me balade au milieu des arbres, cette réflexion en tête. Le soleil perce à travers les branches, posant une douce caresse sur mon visage. Le froid ne me dérange pas, au contraire. Il est vivifiant et me permet de garder les idées claires. Ce trajet, même si je l’ai emprunté de nombreuses fois, me semble toujours différent : la pluie le rend mélancolique, le ciel gris morose, le soleil joyeux, la brume mystique… L’ambiance change du tout au tout selon le bon vouloir de la météo. Aujourd’hui, je ressens une joie simple et sereine. Virevoltant comme la légère brise fraîche dans les feuilles, le tourbillon de mon esprit se calme un peu. Je m’arrête pour observer un petit écureuil qui monte furtivement sur le tronc. Quelle agilité ! L’espace d’un instant, je m’imagine la vie que peut bien avoir cet animal. La simplicité de l’existence des autres êtres vivants m’intriguera toujours. La mienne me semble toujours si compliquée. Peut-être par ma simple faute. 

Après une longue inspiration, yeux fermés, je reprends mon chemin. Pendant une seconde,mes poumons s’emplissent d’oxygène, mon coeur de calme et ma peau de soleil. Un peu de paix, si rare… Je prends mon temps, exprès, pour ne pas brusquer ce trajet qui m’amène d’une tempête à une autre. La tempête que je quitte me manque, celle vers laquelle je vais me chagrine. Avons-nous réellement un choix totalement libre ? Je n’en suis pas si sûre. Nous sommes contraints par les exigences de la société et par les nôtres. Pas si simple de s’en défaire… 

Je suis interrompue dans mes pensées par un coup de fil. Je ne peux plus retarder l’inévitable, il me faut foncer tête baissée dans la tempête que j’évite. Je prends une dernière longue inspiration puis accélère le pas. Il m’attend, tête baissée, à la sortie du métro. Je ne sais pas si j’aurais la force de l’affronter. Ces derniers mois m’ont semblé si étranges. Le revoir après tout ce temps me paraît surréaliste. Nous y avons tous cru… Alors qu’il lève la tête pour guetter mon arrivée, je lui fais signe. Son visage s’illumine d’un triste sourire. Un mélange de joie, mélancolie et chagrin se lit sur son visage. Mon coeur se serre mais je ne peux le pardonner, pas encore.

En arrivant au café, il me laisse choisir une place. Nous sommes assis en silence. Nous n’avons pas échangé un mot depuis que nous nous sommes retrouvés, même pas une simple salutation. Ma gorge est nouée, comme incapable d’émettre le moindre son. Lorsque le serveur arrive, j’arrive à articuler ma commande, comme un murmure. Il fait de même, la gêne perceptible entre nous deux. Il finit par rompre le silence alors que nos deux boissons se trouvent devant nous, comme par magie, car le reste du monde semble inexistant. Il tente d’expliquer les raisons de son geste mais il ne peut me convaincre. Comment justifier de nous avoir tous laissés faire notre deuil alors qu’il se trouve en cet instant en face de moi, en pleine forme ?

Un moment de faiblesse, la peur qui prend le dessus, la volonté d’en finir, non pas avec la vie mais avec son ancienne vie. Quatre ans ! 1461 jours après, il refait surface. Ses explications ne suffisent pas. La colère commence à monter en moi, mais je ne trouve pas la force de crier. Ni de pleurer. Je suis comme anesthésiée par la rage. Je finis par articuler quelques phrases, étrangement cohérentes, qui résument bien mon état d’esprit. La déception se lit sur son visage. Pensait-il que ce serait aussi simple ? Mes émotions remontent à la surface. Non, il se doutait bien qu’il faudrait du temps, mais il espérait que, de tous, je puisse comprendre. Comprendre ? Trop facile ! Fuir n’a jamais fait partie de mes solutions. Je ne sais pas si le temps suffira. Avoir accepté de venir me paraît déjà très généreux. Après un long moment de silence, presque interminable, je me lève. Je ne sais pas quoi dire, je ne sais pas quelle sera la suite. Je le regarde, il me regarde. Et je pars. 

Mon esprit s’embrouille. Malgré tout, j’ai ressenti une telle joie en le voyant… Mon cerveau ne peut cautionner son acte mais mon coeur ne souhaite que de renouer avec lui. Comment expliquer que l’on puisse vouloir pardonner quelqu’un qui vous a tant heurté ? Si seulement je pouvais compter sur sa persévérance… Après son acte de désespoir, il apparaît clair qu’il choisira l’option lâche. Je jette un œil à ma montre. J’aurais le temps de passer à cette boutique, elle se trouve à proximité. Mais je n’ai qu’une envie : rentrer m’allonger sur mon canapé, déconnecter mon cerveau et oublier ma capacité à réfléchir. Les émotions s’entrechoquent en moi et je ne veux pas les affronter.

Je décide de repasser par le bois pour rentrer chez moi. Le trajet est plus long, mais l’effet bénéfique. Le soleil est plus bas et le ciel se colore d’un rose orangé magnifique. Je regarde les couleurs avec les yeux émerveillés d’un enfant, heureuse de pouvoir encore apprécier les choses simples de la nature. Je n’ai pas envie de garder la haine, la rage, la rancoeur en moi. Je souhaite m’en débarrasser afin de ne pas parasiter ces moments-là. Pardonner n’est pas simple, mais ne serait-ce pas le plus bénéfique pour nous deux ? Réparer la relation prendra du temps. Nous avons pourtant tous les deux besoin de passer à un nouveau chapitre de nos vies, de laisser de côté nos émotions négatives. Je me dois de l’écouter, pour mon propre bien-être. Si je décide de lui laisser une seconde chance, vais-je le regretter ? 

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