L’IA, un assistant communication ou un remplaçant ?9 min de lecture
Les métiers de la communication sont en train d’évoluer avec la montée en puissance de l’intelligence artificielle. Comme toujours avec les nouvelles technologies, nous allons devoir nous adapter, mais également être très prudents sur les dérives possibles d’un tel outil.
Quand j’ai demandé à ChatGPT* “Que dirais-tu sur l’avenir de l’intelligence artificielle en communication ?”, l’IA m’a écrit un article en 8 points avec, pour conclusion :
“L’intelligence artificielle promet de transformer la communication à de nombreux niveaux, de la personnalisation des interactions à la lutte contre la désinformation, en passant par une meilleure compréhension des émotions humaines. Toutefois, ces avancées devront être accompagnées d’une réflexion éthique pour garantir que l’IA soit utilisée de manière responsable et bénéfique pour tous. Le futur de la communication avec l’IA semble donc à la fois passionnant et challengeant !”
Une meilleure compréhension des émotions humaines ? “Challengeant” ?
En 2019, j’écrivais déjà sur ce sujet.
Je reste convaincue que l’apport d’humanité dans un récit est essentiel, sur ce point je n’ai pas changé d’avis. En revanche, vu la vitesse vertigineuse à laquelle les outils d’IA progressent, on peut se poser la question : l’IA sera-t-elle capable d’apporter cette pointe d’humanité ? Cette authenticité ?
Tous les plus grands artistes sont des humains torturés, avec une part sombre plus ou moins inavouable. Est-ce qu’une intelligence artificielle est capable d’écrire un récit poignant et unique ?
Bientôt nos remplaçants ?
J’ai continué mes petites questions et j’ai demandé à ChatGPT : “Quel est l’avenir des métiers en communication avec la montée en puissance de l’IA ?”.
Le premier point sur cinq de la réponse porte sur “l’automatisation des tâches répétitives”, comme la rédaction de contenus standards qui requièrent moins de créativité ou de réflexion stratégique (ce qui m’a perturbé, c’est que ChatGPT considère comme standard et basique un article de blog qui peut tout de même nécessiter de la réflexion stratégique et de la créativité), la gestion des réseaux sociaux (adieu les community managers et une possible créativité dans les commentaires) ou encore la création d’images et de vidéos (afin que certains métiers dépendent moins des graphistes). L’IA est prudente et insiste sur le fait que tout cela permet de “faciliter la vie” et de se “recentrer” sur des tâches plus créatives.
Une partie m’a un peu titillée, sur la co-création avec l’IA : l’IA comme générateur d’idées, titres ou autres et permettant “d’accélérer le processus créatif, en apportant des suggestions et des analyses de tendances en temps réel”. Mais le processus créatif est lent et nécessaire pour un bon résultat. Dans notre société où on veut toujours aller vite, on veut également accélérer le processus créatif ?
J’ai ensuite demandé : “Quelle place pour l’IA dans la créativité de ces métiers ?” et j’ai reçu cette réponse : “L’IA comme partenaire créatif. En somme, l’IA ne remplace pas les créateurs, mais elle les augmente. Elle devient un partenaire puissant dans le processus créatif, capable de générer des idées, accélérer la production, et personnaliser les expériences à une échelle inédite. (…) Le défi sera de trouver l’équilibre entre la puissance de l’IA et la créativité humaine, en utilisant l’IA comme un levier pour repousser les frontières de l’innovation tout en préservant l’authenticité et l’originalité”.
L’IA nous augmente ? Mais en avons-nous besoin ? Tout cela se mêle à une logique que beaucoup essaye de combattre aujourd’hui : aller toujours plus vite, faire toujours plus, alors qu’on essaye de revenir à de la qualité, à la lenteur, à prendre son temps.
Autre question : “L’IA peut-elle remplacer la créativité humaine ?”, ce à quoi elle m’a répondu : “Non, l’IA ne peut pas remplacer la créativité humaine. Bien qu’elle puisse augmenter, améliorer et faciliter certains aspects de la créativité, l’IA reste un outil, pas une substitution complète à l’intuition, à l’émotion, et à la capacité d’innover qui caractérisent les êtres humains. Pour comprendre pourquoi l’IA ne peut pas remplacer la créativité humaine, il est utile d’explorer ce qui distingue la créativité humaine des capacités de l’IA, ainsi que les limites actuelles de cette technologie”.
J’ai eu comme l’impression que l’outil essayait de me rassurer… Mais, comme je le disais plus haut, je n’ai pas vraiment besoin de l’être, mais plutôt de comprendre vers quoi on va : l’homme est fainéant et des outils tels que ceux-là sont inestimables. Cependant, l’homme se construit aussi dans l’effort, l’épreuve, le temps. Comment utiliser l’IA avec raison, parcimonie et intelligence ? Afin qu’elle nous aide et non pas qu’elle fasse à notre place.
Le biais de l’IA ?
L’IA est présente depuis plus longtemps dans nos vies qu’on peut parfois le penser.
J’écris de moins en moins dans des carnets, de plus en plus sur ordinateur. Plus simple pour corriger, publier, structurer… Mais l’ordinateur tente de m’influencer – et parfois réussit : ils me proposent des formulations, des changements, de l’écriture intuitive (et parfois des suggestions de correction erronées d’un texte juste). Ce sont des biais que j’essaye d’occulter, mais ils sont là. Dans notre quotidien, personnel ou professionnel, l’IA est là pour nous indiquer un chemin : charge à nous de le suivre ou non.
L’IA est un outil puissant, mais il faut qu’il reste un outil. Les dystopies sur la prise au pouvoir des machines sont bien lointaines, mais le risque demeure : elles peuvent a minima nous dépouiller de notre créativité si nous ne faisons pas attention. L’humain est bien connu pour céder à la facilité : au lieu d’écrire cet article moi-même, je peux demander à ChatGPT de le faire pour moi. Mais j’y perdrais un certain nombre de choses : mon style, ma réflexion, mon plaisir d’écrire…
Pour m’aider à résumer une réunion, gagner du temps en me résumant un document trop long, me donner des indications sur un sujet un peu obscur ou des précisions sur un autre, une intelligence artificielle peut être très utile. Mais attention : peut-être que ce document trop long aurait été intéressant à lire en entier pour en tirer une information qui paraît anecdotique à la machine mais pas à nous. Peut-être qu’elle va mal me renseigner sur ce sujet que je ne connais pas car je prendrais pour argent comptant ce qu’elle me dit, ou qu’elle me donnera une précision pas si précise. Il faut se rappeler d’une chose : si l’homme est en train d’apprendre aux IA à apprendre par elle-même, c’est l’homme qui lui apporte ce savoir. Et un point d’attention est important à garder en tête : l’erreur est humaine. Si l’homme se trompe, l’IA se trompera aussi.
Ne doutons pas de l’apport inestimable que nous avons en tant qu’individu qui pense, qui respire, qui souffre, qui ressent ses émotions différemment des autres…
Si nous pouvons expliquer voire apprendre aux machines ce qu’est un être humain, elles ne sont pas humaines pour autant.
(Petite aparté : Pourquoi Google tient-il absolument à me corriger le mot que je suis en train d’écrire ? Je m’y reprends à trois fois pour pouvoir écrire le mot que je souhaite, qui est correct et qui est le bon.)
Je parle ici de l’IA en lien avec les métiers créatifs : écriture, musique, graphisme… Si les progrès sont phénoménaux, je reste persuadée que l’IA reste un assistant, une aide, mais pas un artiste.
Même en ce qui concerne les “sciences dures”, l’IA est à prendre comme un super-assistant. La connaissance et l’empathie d’un médecin ne peuvent être remplacées par le diagnostic froid d’une machine. Même si on est en train d’apprendre tout cela aux machines, je ne les pense pas capables de rassurer réellement un bébé en pleurs parce qu’on le vaccine ou de se sentir vraiment mal face à une catastrophe climatique. L’homme peut leur dire de l’être, mais elles restent aujourd’hui incapable de ressentir seules cette émotion.
Pour aller plus loin : et l’écriture ?
Je vais finir sur la dernière question que j’ai posé à ChatGPT pour cet article : “Quel avenir pour l’écriture avec l’IA ?”. Voici la conclusion de la réponse : “L’écriture avec l’IA va sans doute transformer le paysage de la production de contenu, de la littérature à la publicité, mais l’âme de l’écriture humaine — la capacité à exprimer des idées profondément personnelles, à innover, à poser des questions sur le monde et à toucher l’imagination des autres — restera essentielle. L’IA, loin de remplacer l’écrivain, l’accompagnera dans un voyage créatif plus rapide, plus varié et plus interactif, tout en posant des défis éthiques et culturels qui nécessiteront une attention particulière. L’avenir de l’écriture sera probablement hybride, une fusion entre l’intelligence humaine et artificielle, créant ainsi de nouvelles possibilités tout en préservant la richesse et la profondeur de l’expression humaine”.
Une belle réponse, qui reflète sans doute la réalité.
Cependant, quand je lis “Des outils comme ChatGPT peuvent être utilisés pour générer des idées, des personnages, des dialogues, ou même des ébauches de récits”, le côté traditionnel de l’écriture ressurgit en moi. Certes, je pourrais m’aider de l’IA pour construire mon récit, pour me proposer des idées, mais j’aurais l’impression d’une véritable collaboration et non pas d’avoir pu créer. Dans la réponse, je trouve également cette phrase : “L’IA ne remplacera pas les écrivains, mais les aidera à libérer leur potentiel créatif, à tester des idées et à explorer de nouvelles formes d’écriture”. Je n’aurais pas cette impression si je me suis faite aider, que ce soit d’une personne ou d’une IA. Elle peut jouer le rôle de relecteur, mais j’aurais du mal à prendre en compte ses suggestions VS celles d’un ami. Je reste très old school sur ce sujet. J’adore la technologie et tout ce qu’elle peut nous apporter mais j’écris avec mes tripes et je ne veux pas que quelqu’un m’enlève ça.
Je sais bien que de plus en plus d’écrivains s’aident de ces outils et j’y viendrai peut-être. Mais, pour le moment, mon écriture est mienne et je souhaite qu’elle le reste.
*Les réponses obtenues par ChatGPT dans cet article date de décembre 2024.
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