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Le Grand Incendie 5/96 min de lecture

[Je vous propose un récit en plusieurs parties. Une fois par semaine, je vais publier une partie de cette longue nouvelle. La cinquième partie ci-dessous…]

HORS DE CONTRÔLE

  • Je ne comprends pas, rien ne fonctionne. 
  • Et si on envoyait toute la flotte d’un coup ?
  • On a essayé, ça ne fait rien !

Les pompiers étaient complètement désespérés, débordés. Ils ne comprenaient pas. Il y avait quelque chose de surnaturel à ce feu. Comme un combustible inarrêtable qui rendait le feu insatiable. Un combustible inconnu – ou du moins non identifiable – qu’aucune de leur méthode ne parvenait à stopper. Cela faisait sept heures que le feu avait démarré.

Heure 1 du feu

Les premiers appels se firent entendre dans l’heure qui suivit le début des incendies. Certains furent détectés immédiatement, d’autres prirent quarante minutes avant d’être identifiés. 

Au premier coup de fil, les pompiers ne s’inquiétèrent pas plus que ça : oui, les feux étaient rares, mais cela arrivait. 

Ils se rendirent, chacun sur leur continent, sur le lieu de l’incendie. 

Heure 2 du feu

A la deuxième heure, des pompiers étaient présents sur chaque lieu où le feu ravageait les environs. La lutte semblait fonctionner. Il pensait en avoir pour la journée, afin de maîtriser le tout. Cela ne semblait pas compliqué.

Le chef de la caserne de New York eut un sentiment dérangeant cependant, lorsqu’il apprit qu’en vingt-quatre autres endroits du monde, des feux avaient démarré au même moment : cinq par continents. Localisés à des endroits stratégiques. 

Heure 4 du feu

A la quatrième heure de lutte, le feu redoublait d’intensité et les pompiers commencèrent à prendre conscience de l’ampleur de la situation. Tous tentaient de rester optimistes, et de ne pas montrer leur inquiétude, mais l’angoisse montait en chacun d’eux. Quatre heures contre le feu et aucun résultat. Ils n’avaient jamais connu cela. 

Heure 6 du feu

Sur les cinq continents, tous les pompiers qui le pouvaient s’étaient rendus sur les lieux d’un feu. Débordés, ils ne savaient plus quoi faire. Ils avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir, essayé toutes les méthodes possibles, envoyé tous les types d’engins de lutte contre le feu, fait tous les diagnostics connus. Que faire de plus ? 

Heure 10 du feu

A la dixième heure, les pompiers comptaient leurs morts. Pris par les flammes, ils succombaient les uns après les autres. Le désespoir l’emporta sur ces troupes pourtant ordinairement optimistes et joyeuses. Ils arrivaient à cours d’option. Les chefs de caserne, les généraux, les maires, les meilleurs scientifiques, tous étaient réunis dans la tentative de trouver une solution, tentant de garder la tête haute pour leurs troupes. Mais l’espoir perdait du terrain, laissant place aux flammes. 

Heure 12 du feu

A la douzième heure de feu, les autorités commencèrent à demander non plus l’évacuation des zones concernées, mais l’évacuation de la planète. En huit heures, les habitants ne devaient non plus quitter leur ville voire leur pays, mais leur planète. Le feu avait pris le contrôle, l’homme avait perdu. Personne n’avait de réelle explication, tout le monde était pris au dépourvu. Et voilà qu’une seule solution subsistait : la colonie lunaire, pour les quelques rescapés possibles. Le jeu du hasard commença : qui arriverait à quitter la Terre ? 

CATASTROPHE

Du jamais vu. A une époque si avancée, où le progrès permettait de tout faire, des gens qui couraient en tous sens, paniqués. D’autres qui cédaient aux flammes. Et enfin, ceux qui acceptaient leur sort et profitaient de quelques derniers instants de tendresse en couple, en famille, entre amis. 

Les derniers, chanceux, trouvaient une solution pour s’en aller. Il y eut des batailles, des coups de poing, des griffures, des coups bas. Les plus désespérés tentaient de voler leur place aux plus fortunés, qui avaient réussi à trouver une place sur un vaisseau. 

Certains laissaient leur place à des femmes enceintes, des enfants, des pères de famille. 

D’un côté, l’instinct de survie animal prenait le dessus, et les pires actions étaient commises. De l’autre, une solidarité – constitutive d’une forte humanité – prenait place, et les actes les plus nobles se gravaient dans la mémoire des futurs rescapés. 

Depuis, tous les ans, sur la Lune, à la date anniversaire, un hommage leur est rendu. Et les plus vils ? Les quelques uns qui ont réussi à monter dans un vaisseau – ils sont peu nombreux heureusement – sont condamnés aux travaux forcés dans la seule prison lunaire. Ils sont méprisés par les quelques criminels, voleurs ou assassin, comme les pires de tous. Car, à leurs yeux, ils ont condamné l’humanité. Ils ont pris la place d’une personne de valeur, alors qu’ils ne sont que pourriture. Et pourtant, ce sont des hommes comme les autres. Des lâches, certes. Ou simplement des hommes conduits à la folie. Mais qui sommes-nous pour juger, qui n’avons pas fait face à la même terreur qu’eux ? 

L’homme a toujours peur du pire. Qu’on le veuille ou non, nous vivons dans la peur de notre mortalité ou de la souffrance. Seul un homme qui accepte les souffrances et la mort inévitables peut réellement vivre, en toute sérénité. 

L’homme craint ce qu’il peut lui arriver : perdre ses biens, perdre un être cher, perdre sa propre vie, ou simplement perdre sa dignité, perdre le respect… il s’accroche à ce qu’il possède et a toujours peur de le perdre. Un homme sans bien matériel n’est pas réellement complètement libre : il possède encore d’autres choses qu’on peut lui prendre.

L’homme oublie facilement sa capacité de résilience : face aux catastrophes, il se trouve une force inconnue jusqu’alors, il se découvre. Oui, il découvre qui il est vraiment, la force qu’il possède, la capacité d’adaptation, d’acceptation. Et alors il peut tout surmonter. Bien sûr, il passe par des étapes de douleurs plus ou moins intenses. Ainsi va la vie. 

Mais l’homme est une créature surprenante, et de nombreux récits prouvent qu’il a la capacité de surmonter les épreuves les plus terrifiantes. De surmonter des épreuves qu’il n’aurait même pas imaginé, pire que les scénarios dont il s’effraie. 

Si l’homme arrive à dépasser sa peur, alors il peut affronter n’importe quoi.

Si l’homme se trouve en face d’un malheur inimaginable, il dévoile sa vraie nature.

C’est ainsi que la poignée de Terriens qui pu alunir après le Grand Incendie réussit à se reconstruire, plus ou moins, une vie. Surmonter l’épreuve fut loin d’être facile, mais ils y arrivèrent. Tous. Plus ou moins vite. Plus ou moins complètement. Mais ils réussirent du moins à se reconstruire une vie et à retrouver, petit à petit, quelques instants de bonheur.

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