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Accouchement express7 min de lecture

Laura est maman de deux enfants, Aaron et Avi. Ses deux accouchements ont été très différents, avec leur propre histoire. Pour le premier, vous pouvez en savoir plus dans cet épisode de Bliss. Voici son témoignage concernant le deuxième.

Comment as-tu abordé ce deuxième accouchement ?

Pour le premier, je voulais une péridurale et je ne comprenais pas les mamans qui souhaitaient accoucher sans. Quand j’ai accouché de mon premier, je les ai un peu mieux comprises et je me suis dit que, pour le deuxième, je le tenterais peut-être, sans être sûre à 100%. J’étais plus sensibilisée à tout ce qui se passe autour de l’accouchement, alors qu’avant c’était un terrain inconnu. J’ai écouté des récits de femmes ayant accouché sans péridurale : tout le monde disait que notamment la récupération était meilleure, et je comprenais plus le côté challenge et dépassement de soi. Avant, je me disais : pourquoi souffrir alors qu’on a la possibilité de se soulager. Après mon premier et les podcasts que j’ai écoutés, je me disais au contraire que, quand on accouche sans péridurale, on en ressort plus fort et on récupère plus vite. J’étais plus renseignée et j’avais l’esprit plus ouvert. Mais je voulais pouvoir compter sur un copilote, mon mari, qui ne souhaitait pas suivre les cours. Il serait là pour me soutenir, mais ce n’était pas assez pour moi : si je me lançais dans cette aventure, il fallait que ça soit à fond. Si ça ne fonctionnait pas, je le vivrais comme un échec. J’ai donc renoncé à l’idée. 

Tu as été déclenchée sur ton premier accouchement, c’est ça ?

Oui, à cause de mon diabète gestationnel. J’en ai eu pour la deuxième grossesse également, mais le déclenchement n’était pas nécessaire. Pour mon premier bébé, j’ai accouché en sept heures (ce qui est rapide pour un premier et pour un déclenchement). On m’avait donc dit de faire attention, car ça pourrait aller très vite pour un deuxième.

Et alors, comment ça s’est passé ?

Un dimanche soir, je me suis réveillée à 1h du matin avec des contractions, plus fortes que celles ressenties les jours précédents. J’ai réveillé mon mari et nous avons compté les contractions : j’étais à une toutes les huit minutes. Nous n’avons pas attendu les cinq réglementaires pour aller à l’hôpital. Mon frère est venu garder Aaeron et nous sommes allés à Port Royal – heureusement, c’était la nuit et ça roulait bien. La sage-femme m’a examiné : j’avais des contractions fortes et douloureuses, mais je n’étais qu’à deux centimètres – la même chose que lors de ma visite de contrôle le mardi d’avant. La douleur était intense mais je n’avais pas le droit à la péridurale avant d’être à trois centimètres. Je me suis allongée pour le monitoring et mes contractions se sont espacées et étaient moins fortes. On était repassé à huit minutes alors que j’étais à trois ou quatre juste avant. 

Que t’a conseillé alors la sage-femme ?

A 2h30, elle me dit d’aller marcher. Je me lève et je sens un liquide couler. Mon mari demande s’il faut vérifier que ça ne soit pas du liquide amniotique mais la sage-femme dit que ce n’est pas la peine et de revenir deux heures plus tard. Dès que je me relève, les contractions reviennent toutes les deux minutes et sont très fortes. J’arrive à peine à marcher. Mon mari insiste pour qu’on y retourne mais je culpabilisais de ne pas suivre les instructions et revenir avant les deux heures. Mon mari m’a presque forcée et, lorsqu’elle m’examine à nouveau, la sage-femme voit que je suis dilatée à trois centimètres et qu’il y a un doute sur la poche des eaux. Je demande la péridurale que j’attends avec impatience. Je le rappelle à la secrétaire qui m’amène en salle de naissance mais elle me dit que “tout le monde n’y est pas éligible”. 

Quelle est alors ta réaction ?

Je ne comprends pas et je panique. C’est déjà très douloureux pour une dilatation à 3, qu’est-ce que ça sera à 10 ? C’est alors que je sens une contraction différente des autres. La sage-femme qui va m’accoucher se présente à ce moment-là et me dit “si vous sentez que ça pousse, vous m’appelez”. Elle passe la porte et là je sens la contraction de la poussée. Mon mari lui court après pour qu’elle revienne. Elle arrive avec quatre ou cinq personnes de son équipe et là je panique car l’accouchement est imminent. L’effervescence de l’équipe, le brouhaha autour de moi, la panique, la douleur… je suis tétanisée. Mon mari me déshabille car je ne peux rien faire. Je réalise ce qui se passe et demande pour la péridurale : le bébé arrive, il n’y a plus le temps. On me fait monter sur la table. “Il faut pousser”, me dit-on, et je réponds que je ne peux pas, que j’ai trop mal. Tout le monde m’encourage, mais je suis prise de panique, je pousse mal. “Poussez en bloquant”, me dit une voix. Je ne comprends pas. Mon mari me dit de me calmer et me mime comment on fait, ce qui me permet de me souvenir ce que je sais pertinemment. Je pousse trois fois dans une douleur assez monstrueuse et le bébé arrive. Je ressens encore ce moment libérateur, la douleur qui s’en va. On me pose mon bébé sur moi et je réalise que c’est un garçon, ce que je ne savais pas, mais je le trouve calme. La panique revient et je le dis à l’équipe, mais en réalité je n’avais pas entendu son premier cri. 

Comment as-tu vécu cela ?

Je suis vexée. C’est comme si je n’avais pas été là, que je n’avais pas assisté à mon accouchement. Comme si quelqu’un avait appuyé sur “avance rapide”. Je ne peux m’empêcher de comparer avec l’accouchement du premier qui s’était très bien passé. J’ai des tremblements dus à la panique. L’équipe me rassure, mais je n’arrive pas à l’entendre. Aujourd’hui encore – deux mois et demi après – je ne réalise pas que je l’ai fait. Je suis admirative des femmes qui accouchent sans péridurale, alors que je l’ai fait. Un peu comme un syndrome de l’imposteur, comme si j’avais été spectatrice. J’ai besoin que mon mari me raconte encore régulièrement l’accouchement. Tout ça s’est fait en trois heures seulement ! Entre le moment où j’étais à trois centimètres et la naissance, il a dû se dérouler dix minutes : je n’ai pas eu le temps de réaliser. Pour le premier, j’avais pu prendre le temps. Là, je me suis sentie dépossédée. J’ai eu l’accouchement que je voulais au final, sans péridurale, mais c’était comme si j’avais gagné une course où tout le monde avait déclaré forfait, car ce n’était pas mon objectif, je ne m’y étais pas préparée.

Et après ? 

La récupération a été plus facile. J’ai oublié la douleur – je sais qu’elle était atroce mais ça n’est pas un traumatisme. Je retiens surtout ce moment de panique, l’impression que j’allais mourir si je n’avais pas la péridurale. Aujourd’hui, ça va mieux, un peu de temps a passé. 

Qu’est-ce qui rend ce souvenir difficile pour toi ?

Cette panique et l’impression d’être passée à côté de mon accouchement, du premier cri, etc. C’est dur à accepter. Ce sentiment d’avoir tellement mal que je ne vais pas survivre à cette douleur. Tout ça, je l’ai mal vécu. J’aurais aimé un film pour revoir et revivre ces moments. On m’avait prévenu que ça irait vite pour le deuxième, mais là… En contrepartie, j’ai eu une toute petite déchirure et j’ai vite récupéré physiquement. Une heure après, j’étais debout. Finalement, dans cet exercice douloureux, il en ressort du positif. Ca aide pour le moral. C’est la contrepartie positive de ne pas avoir eu de péridurale. 

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